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Château YQUEM
Château YQUEM
1903 - 1892
 

Bulletin n°70
14/06/2006 - 184 - dégustation Trimbach et Lynch Bages
Dans le bulletin 183, j’ai évoqué la mémorable dégustation des vins de Trimbach (36 millésimes, dont 19 de Clos Saint Hune). J’avais listé seulement les vins préférés de chaque série. Ce bulletin reprend mes notes, prises à la volée. On peut zapper (comme on dit aujourd’hui dans le 9 - 3 mais aussi ailleurs) ce bulletin sauf peut-être la dernière page. Une remarque importante. Je me suis astreint à boire les vins très vite après leur mise sur table. Il y a donc une homogénéité d’approche. Car j’ai constaté que lorsque le vin s’installe dans le verre, comme on le laisserait faire en un « vrai » dîner gastronomique, il devient beaucoup plus chaleureux et séduisant. Des vins discrets dans mes notes sont apparus peu après beaucoup plus chaleureux, aimables et civilisés. Mais l’exercice était d’essayer de dégager des tendances par millésime. Les notes sont ainsi plus sévères que celles que j’écrirais sur des vins épanouis dans le verre et oxygénés selon mes standards. Les notes sont directes, sans perte de temps, car le service allait vite.
Première série :
Clos Sainte Hune Trimbach 1989 VT : nez expressif joyeux, précis, magnifiquement fait. J'ai tendance à préférer le "normal".
Clos Sainte Hune Trimbach 1989 VT "Hors Choix" : nez expressif. Le "hors choix" est beaucoup plus sucré. Le plus "sec" est plus long. Bipin Desai préfère le "hors choix".
Deuxième série :
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1993 : forte acidité, très strict et fermé.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1994 : plus fruité, rond.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1992 : pétrole, rugueux mais très viril, magnifiquement fait.
Clos Sainte Hune Trimbach 1994 : plus de matière.
Clos Sainte Hune Trimbach 1992 : magnifique, beau, bien structuré, élégant. Classé 4ème de la 2ème série.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1988 : très beau, quelle générosité! C'est rond. Classé 1er de la 2ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1993 : excellent, magnifique. Classé 3ème de la 2ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1988 : servi après les autres et ajouté. Vin très grand, très complexe. Classé 2ème de la 2ème série.
Troisième série :
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 2000 : un peu fermé, coloré, profond mais rêche.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1999 : très riche, très concentré, limité.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1998 : pas assez structuré.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1997 : nez de pétrole, ouvert, j'adore. Classé 2ème de la 3ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 2000 : magnifique de promesses. Classé 1er de la 3ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1999 : un peu fermé.
Clos Sainte Hune Trimbach 1998 : pas assez ouvert, puis il se découvre.
Clos Sainte Hune Trimbach 1997 : promet beaucoup. Quand il s'ouvre, il est magnifique. Classé 3ème de la 3ème série.
Quatrième série
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1996 : nez fruité, belle bouche.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1995 : plus amer. Léger goût de bouchon.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1985 : joli, un peu serré mais expressif. Long en bouche.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1979 : moins coloré. C'est un vin de gastronomie qui appelle une viande.
Clos Sainte Hune Trimbach 1996 : exceptionnel, prometteur, une attaque et une puissance remarquable. Classé 3ème de la 4ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1995 : plus racé, plus acide, plus fort. Classé 4ème de la 4ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1985 : magie pure. Intégration remarquable. C'est un très grand vin. Classé 2ème de la 4ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1979 : Il est plus fatigué. Le côté fermé apparait.
Clos Sainte Hune Trimbach 1975 : Très joli. Un peu entre deux âges. Devient grand quand il s'ouvre. Classé 1er de la 4ème série.
Cinquième série :
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1990 : Bon vin, mais un peu serré.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1989 : Pas mal. Assez fruité, mais paradoxalement aussi assez sec.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1983 : un peu fatigué.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1976 : bouchonné. Quel dommage de ne pas le comparer au Clos Sainte Hune.
Cuvée Frédéric Emile Trimbach 1971 : très joli, bien arrondi.
Clos Sainte Hune Trimbach 1990 : vin magnifique. Très beau. Classé 4ème de la 5ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1983 : Très rond. Grand vin. Classé 3ème de la 5ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1976 : Magnifique. Absolument parfait. Conforme à ce que j'ai déjà bu. Classé 1er de la 5ème série.
Clos Sainte Hune Trimbach 1971 : Très beau. Agé sans doute, mais beau. Magnifique maintenant. Classé 2ème de la 5ème série.
Comme prévu, c’est le Clos Sante Hune Trimbach 1976 qui a été la star de la soirée, vin que j’ai bu plusieurs fois avec un immense plaisir, représentant la perfection du Riesling actuel. Ces soirées ont l’avantage de donner l’occasion de mieux connaître un domaine. J’ai eu la confirmation de la perfection du Clos Sainte Hune, qui gagne avec l’âge délicieusement. La Cuvée Frédéric Emile s’est montrée sous un jour très favorable. Jean Trimbach a parlé avec passion de son domaine. De telles expériences montrent, une fois de plus, à quel point les vins d’Alsace méritent une meilleure place sur la table des amateurs de grands vins.
Le lendemain du dîner consacré à Trimbach, déjeuner au Spago, un des restaurants chics de Beverly Hills, où l’on a peu de chance de croiser des érémistes. Ici, c’est plutôt Rolls / chauffeur que sac-à-dos / tongs. Beverly Hills respire le rêve américain. Ça fait du bien. Dans une salle de belle taille, nous allons découvrir un nombre spectaculaire de millésimes de Lynch-Bages, présentés par Jean-Michel Cazes, venu avec son fils qui doit assurer la relève dans peu de mois. Par une heureuse symétrie, je suis assis aujourd’hui près de Jean Trimbach quand hier j’étais assis près de Jean-Michel Cazes. Mais je ne parlerai avec Jean que ce soir, car Jean-Michel est particulièrement bavard, voulant faire passer mille messages. En plus il est passionnant. Alors, on l’écoute ! Je serai confronté au même problème que pour la dégustation des vins de Trimbach. Pour avoir une approche homogène, il faut goûter les vins au même stade, c'est-à-dire dès qu’ils sont servis, alors qu’après plusieurs minutes, les vins s’épanouissent. Et leur plaisir est manifestement plus grand. Bipin a choisi d’ouvrir les vins très tard, plutôt frais, et de les décanter deux fois. Ce qui fait que les vins sont bons quand on a déjà fini son verre. Car une loi physique se vérifie à chaque fois : les premiers verres qui se vident sont ceux des vins les meilleurs. Nous avons pu néanmoins « apprendre » Lynch Bages, car aucun autre moyen ne sera plus efficace que cette magistrale verticale. La cuisine fut fort courtoise, adaptée à ce vin, et le service des vins fut une fois de plus exemplaire, Bipin ayant fait appel à la même équipe qu’hier. Voici les notes que j’ai prises à la volée, plus sévères que ce que les vins valent, puisque fondées sur leur aspect avant épanouissement.
Bollinger grande cuvée non millésimé : champagne très agréable, nettement plus intéressant que le Louis Roederer de la veille
Série n° 1
Lynch-Bages 1934 : nez trop froid. Très joli goût fruité. Un peu fatigué. Très beau sur le plat. Classé 3ème dans la 1ère série.
Lynch-Bages 1937 : plus chaleureux, rond. Belle acidité. Tient un peu moins.
Lynch-Bages 1999 : nez assez asséché, joli goût, très semblable à celui du 1934, ce qui est un signe très intéressant.
Lynch-Bages 2002 : très jeune, un peu plus moderne avec du bois plus insistant. Va bien avec le risotto.
Lynch-Bages 1957 : nez de framboise comme j'aime. Très joli en bouche, rond et plein. J'aime beaucoup comme toute la table. Surprise positive. Classé 1er dans la 1ère série. Il est à noter que toute la table a préféré ce millésime qui n’est pas légendaire, dans cette première série.
Lynch-Bages 1950 : nez un peu acide mais positif. Très joli, complexe, explorant beaucoup de directions. Il me semble dans la pure définition de Lynch-Bages, telle que je me l’imagine. Belle structure. Classé 2ème dans la 1ère série.
Lynch-Bages 1952 : nez légèrement animal. En bouche, j'aime ce goût assez évolué, assez bon. Classé 4ème dans la 1ère série.
Lynch-Bages 1998 : nez très fruité. En bouche, c'est encore un peu coincé, mais il va se former.
Lynch-Bages 1991 : nez désagréable aqueux. En bouche, c'est rêche mais finalement, ce n'est pas désagréable.
Série n° 2
Lynch-Bages 2003 : fermé. On ne peut pas dire comment il évoluera. Beaucoup trop de bois !!!
Ormes de Pez 1989 : nez élégant. Très amer en bouche.
Ormes de Pez 1962 : très beau goût, bien rond. Limité, mais joli. Il s'est développé dans le verre. Classé 3ème dans la 2ème série.
Lynch-Bages 1962 : le nez est plus ingrat que celui d'Ormes de Pez. Agréable en bouche, un peu fermé, un peu court. S'ouvre de très jolie façon. Classé 1er dans la 2ème série.
Lynch-Bages 1985 : a dû souffrir du voyage. Très grand potentiel. Puissant, plus épanoui.
Lynch-Bages 1986 : vin très naturel, mais un peu amer et un peu court.
Lynch-Bages 1947 : nez animal. Un peu amer. Devient nettement meilleur après quelques minutes.
Lynch-Bages 1945 : un peu d'acidité, mais on sent la structure très belle. Classé 4ème dans la 2ème série.
Lynch-Bages 1929 : le nez est un peu poussiéreux, de champignon. On sent qu'il a été très beau. Fatigué au début, il s'améliore suffisamment pour qu'on entrevoie sa grandeur. On y prend même du plaisir. Classé 2ème dans la 2ème série.
Série n° 3
Lynch-Bages 1955 : magnifique structure. Les vins de 1955 sont très grands en ce moment.
Lynch-Bages 1959 : magnifique. Quelle élégance. Il est même mieux que le 1961. Classé 1er dans la 3ème série.
Lynch-Bages 1961 : Très 1961 avec un côté un peu torréfié. Quel charme ! Classé 4ème dans la 3ème série.
Lynch-Bages 1982 : un peu fatigué au nez. Très joli en bouche. Flamboyant maintenant, mais ne vieillira pas comme le 1990.
Lynch-Bages 1989 : un peu déstructuré. Pas du tout ce que j'attendrais du fait de la réputation de l'année. Bipin s'est étonné de mon jugement. Cela se comprend, car son verre était nettement meilleur.
Lynch-Bages 1990 : arrivé trop froid. Il a une belle structure et va se développer fortement. Classé 3ème dans la 3ème série.
Lynch-Bages 1995 : une légère trace de bouchon. Pas très agréable.
Lynch-Bages 1996 : vin assez conventionnel. N'est pas encore affirmé.
Lynch-Bages 2000 : nez magnifique. Très beau vin. Pas très long, mais va se former. Je suis très positif sur ce vin. Classé 2ème dans la 3ème série.
Série n° 4
Lynch-Bages 1970 : ce vin est très agréable, pas compliqué du tout.
Ormes de Pez 1970 : meilleur que le Lynch Bages. Plus structuré.
Ormes de Pez 2000 : Pas mal du tout. Assez limité. Agréable.
Ormes de Pez 1985 : très agréable. Belle surprise. Classé 1er dans la 4ème série.
Lynch-Bages 1966 : un peu coincé. Belle structure.
Lynch-Bages 2001 : élégant, agréable, pas beaucoup de futur dans ce vin de courte vie, mais objectivement il est agréable.
Lynch-Bages 1975 : limité, coincé. Je ne trouve rien qui accroche.
Lynch-Bages 1981 : assez agréable. Je le trouve plutôt limité, mais mon palais n'est sans doute plus dans une forme olympique.
Lynch-Bages 1988 : mon palais n'est sans doute plus très réceptif. Le fromage bloque aussi l'appréciation. Je ne classerai qu'un vin dans cette série, du fait de la fatigue et de l’influence dérangeante du fromage.

Jean-Michel Cazes est un merveilleux conteur et un homme d’expérience. Il a une vision historique, calme, sur le monde du vin. On sent que beaucoup de travail a été fait pour amener ce vin au sommet des préférences de beaucoup de critiques. Alors que dans la dégustation des Montrose, c’était la décennie 20 à 29 qui apparaissait comme le firmament de ce Saint-Estèphe, ici, c’est objectivement la période 1950-1962 qui semble à mon palais la plus accomplie. Les années récentes vont s’améliorer, et le travail intelligent qui a été fait paiera en termes de goût. Mais le 1959 est aujourd’hui, à mon avis, la consécration de ce terroir. Et on s’est aperçu que l’Orme de Pez tient bien sa place.
Ma déception est évidemment le 1989 dont mon verre était fade, alors que j’ai massivement acheté ce millésime parce que je l’avais aimé.
J’ai l’habitude de boire les vins plus aérés et légèrement plus chauds, ce qui donne des saveurs plus sereines. Le réchauffement dans les verres change complètement l’appréciation entre la première et la dernière gorgée. L’essentiel est qu’approcher un domaine avec cette largeur de spectre est une chance unique. Nous avons vu que ce vin a un terroir. Que ce vin l’exploite bien. Que ce vin a du charme. Qu’il n’y a aucun intérêt à surboiser, car cette tendance ne durera pas des siècles. J’ai grande confiance dans ce château. Bonne chance à Jean-Charles Cazes.
La journée n’allait pas s’arrêter là. Avec une journaliste japonaise, Jean Trimbach, Bipin et moi allons dîner au Mori Sushi restaurant, le lieu incontournable du sushi parfait. Nous prendrons « Omakaze », le menu où le chef laisse libre cours à sa création. Voyage ahurissant au pays des sushis, bien expliqués par notre charmante convive japonaise, avec un champagne Bollinger RD 1990 apporté par moi et un Dom Pérignon rosé 1995 apporté par Bipin. Les deux champagnes sont merveilleusement adaptés aux sushis. Pour remercier Bipin de sa gentillesse, j’ai fait goûter un vin des Canaries sec 1828, âgé de 101 ans de plus que le plus vieux Lynch Bages de ce midi. Ma voisine japonaise, émue de cette évocation historique, au-delà du goût irréellement envoûtant, m’a demandé de garder la bouteille vide. Je la lui ai donnée.





 


 
 
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